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Le monde qu'on leur laissera

Quand nous avons annoncé ma première grossesse à nos proches, nous avons eu droit à toutes les réactions possibles et imaginables, aux "Félicitations ! Vous allez être tellement heureux!", aux "Mais tu vas finir tes études au moins ?!", aux "C'est un garçon ou une fille ? Et vous allez l'appeler comment ?", et puis au fameux "Mais vous y avez bien réfléchi, vous avez vu le monde qu'on leur laissera ?!". Autant vous dire que, quand on apprend qu'on va être parent, se prendre ça en pleine face alors qu'on saute de joie, ça vous calme direct les hormones !

 

Car oui, on a toutes cette copine (ou copain, car ça existe aussi !) qui ne veut pas d'enfants, pas parce qu'elle ne les aime pas (bien que souvent elle trouve ça laid, pleurnichard et relou), mais bien parce que les enfants sont des "bombes écologiques". Alors oui, malheureusement pour moi, j'ai eu droit à cette fameuse discussion sur pourquoi je choisis de faire un enfant dans un monde en détresse écologique, en guerre et au bord du désespoir, sachant que je ne lui laisserai que des degrés en plus, des attentats et des ours polaires dans les livres d'histoires, et qu'en plus, mais oui messieurs dames, je serais ainsi moi-même responsable de la déchéance du monde en donnant la vie à un futur consommateur ingrat et croulant sous ses déchets ! Mouiii.... Sympa comme félicitations !

 

Mais étant une personne un minimum cultivée et honnête, je ne peux ignorer qu'il y a du vrai dans ce qu'on m'a dit. Oui, la planète est en déchéance, le réchauffement climatique n'est plus une menace sourde pesant sur nos têtes mais une réalité, et dans nos cocons dorés de petits européens, nous ne sommes plus à l'abri de tomber sous les balles ou les bombes. Oui c'est une réalité, et oui, souvent j'y pense, et je me dis que la vie sera loin d'être facile pour mes enfants, et encore plus pour leurs enfants après eux. Bien sur que j'ai peur qu'un jour ma fille soit confronté à des ouragans, n'ait plus accès à de l'eau ou se retrouve au milieu d'une guerre. Mais après tout, n'est-ce pas ça être parent, n'est-ce pas être vulnérable puissance mille face aux incertitudes et aux risques que courent nos enfants, chaque jour, et cela dès le moment où ils s'invitent en colocation dans notre ventre ?

 

Et puis moi, quelle sera ma part de responsabilité dans tout cela ? Est-ce que faire un, ou deux, ou dix enfants, c'est condamner le monde ? Je ne suis pas stupide, je sais bien que les milliers de lingettes, de couches et de jouets en plastique qu'on balance chaque jour ne disparaissent pas par magie. Mais on peut faire mieux. Un enfant n'aura évidemment jamais un impact écologique négatif, ou alors peut-être si on l'abandonne dans la forêt pour qu'il vive avec Baloo et Bagheera ; mais avec de petits efforts, on peut limiter tout ça. On peut se dire non, je n'achète pas de jouets en plastique fabriqués à l'autre bout du monde par des enfants affamés, mais je me fournis chez des créatrices françaises et éco-responsables. Ou bien, allez fini les lingettes et les cotons pour les fesses, des lingettes lavables feront tout aussi bien l'affaire. Bon évidemment, on est loin d'être parfait : pour ceux qui me suivent vous savez que j'achète encore des couches jetables, et ce n'est pas parce qu'elles sont françaises et issues de forêts gérées durablement que leur impact est négligeable. Mais promis, là aussi, on essaie de faire quelque chose ! Evidemment, c'est plus cher, plus long, moins pratique, mais il faut ce qu'il faut. 

 

 

Mais pourquoi m'imposer ça, me direz-vous ? Pourquoi m'imposer la crainte, pourquoi m'embêter en essayant de diminuer l'impact qu'aura mon enfant sur la planète ? Pourquoi choisir, malgré tout, de donner la vie ? Et bien parce qu'une vie, on en a qu'une, et qu'il faut la savourer un maximum. Et parce que moi, et je suis seule juge de cela, moi je souhaite avoir des enfants, pour l'amour, pour la joie, pour les rires, pour les élever, certes dans un monde qui est loin d'être parfait, mais que j'essaierai de tout mon cœur de rendre le plus agréable possible. Je fais des enfants pour MOI, pour MON BONHEUR, et ce n'est pas égoïste, parce que ça a du sens pour moi. 

 

 

Finalement, je ne critique pas mes amies parce qu'elles pensent cela, mais parce qu'elles ne pouvaient pas trouver de pire moment pour nous le balancer à la figure. Après tout, ça a eu tout l'effet inverse : au moment où les gens ont commencé à nous parler de tout cela, on s'est dit "et bien soit, qu'ils aillent se faire f**tre s'ils ne sont pas contents, on va polluer avec grand plaisir !" (en vrai on l'a juste pensé, hein!). Et puis finalement, je crois que ma conscience écologique est revenue me hanter après mon accouchement, quand j'ai commencé à ne plus voir les choses du point de vue qu'on essayait de m'imposer, mais à travers celui de la vie de ce petit être que je venais de mettre au monde. Et voilà, petit à petit, j'ai décidé de m'améliorer, de diminuer mes déchets, de modifier la façon dont on pense nos déplacements, nos activités... On est loin d'être irréprochables, et soyez sûrs qu'on ne le sera jamais, mais j'imagine que le jour où ma fille me dira "mais maman, regarde le monde que tu nous as laissé", je pourrais lui répondre "chérie, j'ai été un peu longue au décollage, et je n'ai pas été parfaite dans ce domaine, mais j'ai fait de mon mieux pour limiter notre impact, j'espère avoir fait ma part. Je suis désolée que ça n'ai pas suffit". 

 

Alors tiens toi bien, toi la copine qui trouve que je détruis ma planète en ayant des enfants, parce que je n'ai pas fini d'en faire. Franchement, il me tarde même ma prochaine grossesse juste pour ravoir encore cette conversation géniale, et pouvoir cette fois-ci te rétorquer, "oui, mais t'en que tu n'auras pas les mains dans le caca de bébé pour nettoyer des langes avec une lessive maison, tu n'as pas ton mot à en dire. Sinon, je t'aime quand même !"

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