Lettre à Louise

Ce n'est pas la lettre à Elise, mais c'est un peu tout comme. C'est un morceau de musique, doux, apaisant, qui résonne bon l'amour et le bonheur.

Ma Louise, tu es arrivée comme si de rien n'était, en douceur, en amour. Alors qu'on repoussait depuis tellement de temps, toi tu n'as pas voulue prendre trop ton temps, tu t'es dit que quelques mois, c'était bien suffisant pour passer de la phase "et si" à la phase "voilà". Et si on faisait un bébé ? Et si on se laissait surprendre, et qu'on lâchait prise ? Et si pour une fois, on arrêtait de se dire non, pour laisser venir le bonheur ? Voilà, chéri, le test est positif. Voilà, elle est en route. Voilà, une nouvelle vie va commencer.

Une nouvelle vie plus belle, plus savoureuse, plus intense. Plus dure aussi. On n'imagine jamais assez comme vous, les premiers nés, vous bouleversez un ordre bien établi. On s'imagine que neuf mois suffisent à se préparer, mais tu as trouvé le moyen de débouler comme une boule de bowling dans son jeu de quille. Strike ! Tout le monde saute de joie, mais maman a glissé sur le parquet lisse, papa s'est blessé au poignet en jetant la boule, et toi, petite boule d'amour, tu reviens inlassablement jusqu'à nous, pour que le jeu continue. 

Mais si c'était à refaire, je le referais sans hésiter. Je n'en voudrais pas un autre, c'est toi que j'aime. Toi et ton petit nez tout rond. Toi et ta tâche bleu sur le museau. Toi et tes beaux yeux grands ouverts. Toi et ton sourire si ingénieux. Même toi et tes grognements de petite râleuse, c'est tout dire ! 

Je m'étonnais encore hier de cette capacité que tu as à faire basculer nos émotions dans tous les sens.  Tu te réveilles avant les poules, et moi j'ai envie de me mettre à hurler. Puis tu passes la journée à rire, et je donnerais tout pour que l'après-midi ne se termine jamais, pour que le bonheur pur que je ressens ne s'en aille jamais. Tu me fais tourner en bourrique, et pourtant je t'aime, inconditionnellement.

Il y aura pourtant des moments difficiles. Il y en a eu déjà beaucoup, et je ne suis pas stupide, d'autres viendront à leur tour, d'autres dont tu ne te souviendras pas, puis un jour, d'autres dont tu pourras te souvenir. Peut-être m'en voudras-tu alors, peut-être ne comprendras-tu pas, mais sache une chose, mon petit ange, c'est que quoi qu'il se passe, quel que soit le niveau de mes émotions à un moment donné, je ne cesserai jamais de t'aimer. Et je vais te dire un secret, qui m'a bien servi avec ton papa : parfois, un câlin fait des miracles pour refaire venir le bonheur.  

Tu vas grandir, c'est incontournable. A vrai dire, tu grandis déjà, les gens avaient tellement raison quand ils disaient de profiter. Chaque jour est une nouvelle étape, une nouvelle avancée, un nouveau centimètre qui vient rendre tes habits trop petits. Tu grandis avec tellement de joie, de sourires, de rires, de facilité. L'amour que l'on te porte n'est rien comparé à tout ce que tu nous renvoies. On aimerait pouvoir arrêter le temps, rien qu'un instant, ne pas avoir à se dire qu'un jour tu seras une enfant, puis une adolescente, pour enfin être une adulte. C'est loin tout ça, et pourtant si près. 

Mais tu grandiras heureuse, aimée, et forte. Ton caractère déjà bien trempé, s'il s'avère parfois compliqué à gérer, je sais qu'il te servira à devenir une femme forte, à réaliser tes rêves peu importe les quand dira-t-on, peu importe que tu sois une fille. Si on en arrive à une phase de la société où l'égalité des sexes aimerait s'imposer, rien n'est gagné, alors je t’élèverai, pas pour que tu deviennes supérieure, mais pour que tu aies toutes tes chances. Je te donnerai l'éducation, l'amour et les conseils qui feront de toi une personne exceptionnelle, même dans la simplicité. Et je t'accompagnerai dans tes choix, quels qu'ils soient, même s'ils me déplaisent, parce que je suis ta mère, et que ça implique de te suivre partout où tu iras, par amour. 

Mais laissons faire le temps, tu veux bien mon ange ? Laissons les journées s'écouler, aux rythmes des réveils nocturnes et des longues siestes, au rythme des rires et des râlements, au rythme des purées et des bains qui éclaboussent. Gardons un peu de ce moment où tu t'émerveilles chaque jour, et moi aussi, où le plus important reste nous trois. Ne laissons pas filer trop vite toutes ces premières fois, tous ces petits moments de vie où tu nous emplie de joie. 

Le monde peut bien voler en éclats, je te garde dans mes bras. Parce que l'amour, c'est tout simplement ça. 

Je t'aime plus que tout ma petite perle. Et je serai toujours là pour toi.

Maman.